Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Fragments amoureux
4 janvier 2007

ISSUES : Leurres de solutions

L'expérience de la passion amoureuse dépeinte par Barthes dans les Fragments d'un discours amoureux est celle d'une passion qui dure et endure, dont la permanence résiste à toutes les “prises de décision” censées mettre un terme aux souffrances subies. La “décision”, l’“action”, l’“issue”, n’y est que représentation, mise en scène imaginaire. Car l’ “issue” n’est que l’envers de la passion, et non son contraire. Elle n’est que le mime de l’action, forme ultime de la résistance à une sortie réelle de cette folie aimée. Le désir de sortie est ainsi trompé par ce simulacre issu de la passion elle-même.

“ISSUES : Leurres de solutions, quelles qu’elles soient, qui procurent au sujet amoureux, en dépit de leur caractère souvent catastrophique, un repos passager ; manipulation fantasmatique des issues possibles de la crise amoureuse.

(...)

3. Toutes les solutions que j’imagine sont intérieures au système amoureux : retraite, voyage, suicide, c’est toujours l’amoureux qui se cloître, s’en va ou meurt ; s’il se voit cloîtré, parti, ou mort, ce qu’il voit, c’est toujours un amoureux (...) Cette sorte d’identité du problème et de sa solution définit précisément le piège : je suis piégé parce qu’il est hors de ma portée de changer de système (...) S’il n’était pas dans la “nature” du délire amoureux de passer, de tomber tout seul, nul ne pourrait jamais y mettre fin (ce n’est pas parce qu’il est mort que Werther a cessé d’être amoureux, bien au contraire).pp. 169- 170.

L’alternative qui se présente à l’amoureux est simple en effet : soit j’accepte ce que je ressens, je m’y abandonne, agis en conséquence, soit j’y renonce. Mais cette deuxième possibilité n’en est pas une, car étant amoureux je ne peux renoncer à moi-même ; elle n’est qu’un simulacre de solution, qui ne se définit jusque dans sa forme que par cet amour dont elle est censée permettre s’éloigner. Il serait contradictoire à mon état de se nier lui-même. Je ne peux quitter l’état amoureux qu’en n’aimant déjà plus.

Si jamais d’ailleurs l’amoureux arrive à se représenter vraiment ce que serait ne plus aimer, être étranger à cet amour, il en éprouve une intense douleur. Mais cette représentation est absurde, puisque devenu étranger à cet amour, il ne serait plus celui qui aime, et qui est par là attaché à son amour, mais quelqu’un qui est indifférent à l’objet de son amour comme au sentiment lui-même.

 

Publicité
Publicité
Commentaires
C
C'est l'évidence d'une phrase comme "je ne peux quitter l'état amoureux qu'en n'aimant déjà plus" qui m'a toujours empêchée de lire ce livre en entier car alors, j'aurais été confrontée, noir sur blanc à cette évidence que je pressentais. <br /> <br /> Quelle vie amoureuse a pu avoir Barthes dis-moi ?
Fragments amoureux
Publicité
Publicité