Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Fragments amoureux
30 janvier 2007

Retour à Brigitte Fontaine

Retour à la chanson Conne : dans cette chanson, Brigitte Fontaine parle, crie les phrases d'angoisse,  sans distance mais en les animant d'une telle énergie, d'une telle rage, d'une telle attention, les articulant jusqu'à les déformer qu'elle révèle leur vacuité...

La chanson commence par la phrase presque pleurnicheuse : "Je suis malheureuuuuuse..." comme une petite fille, ou plutôt une adolescente - viennent alors les propositions tout droit issues des humeurs tristes :

"PARCE QUE
Je suis CONNE !
Et que tout le monde est CON."

C'est le coeur des pensées qui tournent en rond les soirs de déprime : je suis nul-le, les autres sont nuls. Identifiables aisément par leur caractère absolu : aucun complément circonstantiel, présent dit "de vérité générale", "tout le monde" - dans d'autres exemples "personne", "jamais", "toujours".


Viennent alors la déclinaison des raisons profondes et superficielles que l'on agite comme éléments de preuve de l'horreur de la vie, leur adjonction dans l'énumération fait apparaître leur caractère vain - surtout quand il reste sur le mode de la plainte. C'est prendre les choses du mauvais côté, mal les saisir, les saisir à faux...
"j'ai raté ma vie", "j'ai raté mon évolution spirituelle", "je ne sais même pas parler une langue étrangère", "je n'ai même pas appartenu à un ordre initiatique !", "j'ai négligé mes devoirs... envers l'Univers !"

L'humeur triste déforme les choses, impose entre moi et le monde la grille qui ne laisse filtrer que les constats les plus désespérants... ou le désespoir sur les contenus les plus divers...
L'exaltation qu'y introduit Brigitte Fontaine, son martèlement des syllabes (pour reprendre des mots de Michaux), les images fleuries-loufoques et délicieusement parlantes qu'elle y glisse (précisément pour donner figure à la proposition "je suis passée à côté de l'amour !") amènent avec elles une joie puissante ! (si, si !)

Cette chanson a sur moi un effet d'exorcisme tout à fait jubilatoire ! Il y aurait beaucoup d'autres choses à en dire. Mais je tiens à l'idée que la plupart des énoncés (ceux que j'ai cités ci-dessus par exemple) sont des formules, des phrases stéréotypiques que l'on retrouve les jours de déprime sous une forme ou une autre. La jubilation vient de la possibilité de les reprendre jusqu'à les faire imploser, et non de tâcher laborieusement de s'en détacher ou de les recouvrir d'un optimisme volontariste, quand on n'y adhère pas purement et simplement...

Conne

Publicité
Publicité
Commentaires
Fragments amoureux
Publicité
Publicité